Récit étonnant que celui dont je vous propose ci-après le résumé : comment un enfant chapardeur et tricheur devient voleur avec la quasi bénédiction de ceux qui l’entourent.
Saint Elie est jour de fête pour la mine Aimable située dans un endroit marécageux, près de la petite rivière Chabeïka, car c’est le nom que porte la mine principale, celle qui rapporte quelque cinquante pouds d’or à son propriétaire. Fête trop arrosée par les ouvriers et ornée des inévitables bagarres après-boire.
Le jeune garçon Ermochka travaille sur la mine Aimable – il connaît les moindres recoins de ce paysage triste avec sa maison seigneuriale et son bureau, ses remises, ses bâtisses, cette machine à vapeur qui pompe jour et nuit l’eau sale et lourde de la mine. Mais aujourd’hui, c’est fête. Alors il fait une toilette rapide, passe une chemise d’indienne, de larges pantalons en velours de coton roussi, lisse ses cheveux en forme de moyette puis revient à la cuisine de la caserne. Le cuisinier étant absent, il dérobe lestement un honnête chanteau de pain de froment et le cache avec l’adresse du voleur.
Le vieil Ossip a bien vu et a crié, mais Ermochka lui a lancé un vieux lapti qui traînait sur le sol et s’est retiré.
Le gamin tout bronzé et couvert de taches de rousseur, aux pommettes saillantes, respire la santé, mais les yeux hardis regardent d’une façon insistante et effrontée, comme il sied à un gamin de mine vivant dans une caserne ouvrière sans aucune surveillance.
Près du bureau de la maison seigneuriale, il aperçoit un équipage. Rares sont les visiteurs. Le voilà parti, comme un lynx, dans cette direction. Il lui faut savoir qui arrive, et à qui appartient ce vieux cheval gris traînant un curieux char à la boite tressée et protégée des intempéries par une grosse toile usagée. Il s’agit d’un cirque ambulant qui vient de se produire à l’usine Elkovsky et qui est envoyée par celle-ci sur la mine Aimable. Accord est pris avec la maison seigneuriale et le cirque peut se déployer sous l’œil très intéressé de notre Ermochka qui a annoncé la bonne nouvelle à tout venant.
Tout le monde regarde comment on monte cette tente de campagne avec la grosse toile rapiécée. Ermochka est au premier rang bien sur, quoiqu’il se fasse traiter de canaille. Enfin tout est prêt, les affiches sont mises des deux côtés de l’entrée glorifiant les deux artistes qui composent à eux seuls la troupe et l’intendance de ce cirque. L’heure du spectacle est fixée après le repos après-dîner du seigneur. Ermochka, de crainte de ne pas arriver à temps, oublie le repas. Un serviteur de la maison seigneuriale, « l’Oie » sera chargé de veiller sur la représentation afin qu’il n’arrive rien de fâcheux.
Enfin l’heure tant attendue arrive. La direction, ses invités et le bureau s’installent aux places assises, les autres resteront debout.. Le premier à présenter sa pièce, fausse, de dix kopeck, prix de l’entrée, c’est bien sur notre Ermochka. Lui-même a quelques doutes sur la validité de sa pièce ; il se fait jeter comme une canaille et a envie de pleurer. Qu’à cela ne tienne, il contourne « l’oie » et par un trou dans la toile usagée, qu’il agrandit un peu, il voit le spectacle du dehors. Mais il ne faut pas rire aux éclats, quand on triche. Il se fait pincer et injurier par « l’oie » et dégage à nouveau. Il y a tout prêt un bouleau pourri. Notre Ermochka enfourche l’arbre et ravi, s’aperçoit que de son perchoir il voit mieux, même mieux que la direction, par dessus la scène ! mais il ne fallait pas trop avancer sur la branche … qui casse et projette le gamin en plein sur la piste. Entracte forcé, confusion du public. Ermochka s’enfuit et se cache près du cheval et de la charrette, sous la véranda de la maison seigneuriale.
C’est là que les deux artistes viennent changer de costume. Les culottes à larges poches sont posés dans la charrette. Ermochka, curieux, se faufile et les prend. Un côté est lourd. C’est le porte monnaie avec les sept roubles et vingt kopecks gagnés pour cette séance ; Ermochka prend le porte monnaie, replie soigneusement le pantalon et s’enfuit.
Il fait nuit. Le vol a été découvert. L’oie et le saltimbanque vont droit à la caserne. Ils interrogent. Personne n’a vu Ermochka. On fouille. Enfin on dérange le vieux sellier Ossip, là haut, sur le poêle. Et on trouve à ses côtés notre Ermochka que personne ne voulait dénoncer. L’oie l’emmène vers le cirque et le malheureux passe un très mauvais moment dans ses mains armées du fouet. Cela devient dangereux. Il craint le pire. Il se décide donc à parler – selon lui l’argent est caché sous le perron de la maison seigneuriale – Les voilà filant à cet endroit, le saltimbanque, l’oie et notre Ermochka . Encore faut-il s’y glisser sous ce perron ! Seul Ermochka y arrive. Là, il s’exclame que l’argent a été dérobé. Et de plus, il se met à hurler afin d’ameuter la maison seigneuriale dont les fenêtres sont encore ouvertes. On accourt. On raconte l’histoire au seigneur qui veut bien examiner l'affaire lui-même. Et voilà que l’aventure d’Ermochka l’égaye. Et elle fait rouler de rire toute la maison seigneuriale. On ordonne de laisser le gamin en paix. On offre un souper aux comédiens.
Le lendemain, on trouva le bon vieux cheval gris tout triste, car sa magnifique queue avait été complètement coupée. Qui a fait cela – c’était clair comme le jour….