Bonjour – « La nuit d’or » approche…
Il est temps d’observer quelque peu nos concurrents. Tous ne sont pas fréquentables. L’un des portraits les plus intéressants est celui d’Agachkov, vieillard calme et sympathique, au demeurant fort pieux, même bigot, un visage doux, une barbiche en éventail, mais bien connu pour accaparer de l’or volé. Il possède des mines , oui, mais il inscrit sur les livres de celles-ci cet or volé qui en est finalement la seule production ! Mamine remarque ses longues mains « par qui … il a enfoncé déjà deux femmes au cercueil ». Agachkov s’est rapproché de Kunt, l’Allemand de Courlande (Lettonie actuelle) nouveau venu, toujours le cigare à la main et tiré à quatre épingles. Une houppe (sobriquet donné aux Ukrainiens) du nom de Sereda passe le temps avec un certain Krivopolov, mi-mongol, possédant déjà de riches mines et se conduisant de façon scandaleuse des mois entiers. On comprend alors pourquoi la police juge bon d’être sur place pour éviter tout incident . On laissera les anciens propriétaires pour arriver aux nouveaux concurrents : l’ancien compositeur de musique, l’ancien professeur, l’ancien policier, l’ancien huissier, - « ratés venus une fois de plus chercher un échec superflu », dit en gros Mamine. Ensuite il y a les simples commis qui représentent des grandes firmes pour faire la demande, et aussi quelques dissidents , - comprenez vieux-croyants - marchands ou éleveurs. Une seule personne semble absente – la jeune dame Mogilnikova, commerçante avisée, au grand étonnement de notre Flegont’.
Flegont n’est pas un novice dans la recherche de mines d’or ; il a déjà tenté d’en exploiter avec plus ou moins de succès. Il a même été loin, au nord, dans des endroits impossibles. Il raconte plaisamment comment le pire ennemi du mineur, ce n’est ni l’ours ni le loup, mais le moustique. Dans ces déserts marécageux, à la bonne saison, on trouvera sur la mine un vrai carnaval de gens enfumés et barbouillés de goudron – et notre Flegont’ le visage enfermé dans une boite en carton avec deux trous pour y voir clair. L’autre problème, c’est l’eau – ou il y en a trop et elle inonde la mine, ou il n’y en a pas assez et il n’y a rien pour laver et trier.
Il est curieux, malgré tout, de rencontrer dans cet Oural profond des villages aussi miséreux que ceux décrits sous les noms des Nourrissons et de la Raison – l’isba de Prichka n’a même pas de cheminée, tout est couvert de suie. En plein bois, les moujiks ne réparent rien. Ceci est vraisemblablement tiré du réel : grande pauvreté au-dessus des richesses du sous-sol. Mais arrêtons-là nos digressions.
A demain minuit, premier mai.
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